mercredi 23 octobre 2024

A livre Ouvert : Yves Simon "les éternelles" 2004

Parlons un peu d'un auteur que j'adore , il s'agit de Yves Simon qui fut également journaliste dans la revue  "Actuel " dans les années 70 et qui embrassa avec succès une carrière de chanteur à partir de 1973 (souvenez vous de "Au pays des merveilles de Juliet" ou encore "les gauloises bleues","Amazoniaque",sans oublier "Diabolo menthe" la BO du film de Diane Kurys )

L'écrivain Yves Simon est tout aussi remarquable ,une écriture ciselée et précise qui lui valut (à juste titre) d'obtenir en 1988 pour son roman" Le Voyageur magnifique", le prix des Libraires , et pour "La Dérive des sentiments", le prix Médicis en 1991 . Après avoir adoré "le prochain amour" je vous recommande chaudement son petit dernier intitulé " Les éternelles" une histoire d'amour passion proposée comme un "chassé croisé "entre deux couples .

 


extrait
"Je me suis adonné à une drogue dure pendant vingt-huit mois. Vingt-huit mois et dix jours très exactement. Je fis deux tentatives infructueuses pour interrompre le processus de décomposition qui avait atteint mon corps et mon esprit. N'écrivant plus, ne sortant plus, je fus terrassé par mon héroïne, ma maladie. La troisième et dernière tentative fut la bonne. Ma décision fut prise en un éclair car je venais d'apercevoir la mort me tendre la main, doucereuse, une garce avenante qui voulait m'étreindre pour de bon, avec des baisers à pleine bouche. Et moi je voulais vivre encore, sur une terre qu'il me fallait reconquérir tant j'avais tout délaissé, amis, écriture, espérances, pour naviguer dans un ciel de mitraille. Connaître enfin la rémission et la douceur des jours. Le manque, la privation, c'est alors que les souffrances se sont manifestées. Métastasiques et vénéneuses, elles se sont mises à germer dans la tête, le foie, le sexe, petites pousses de fiel qui font éclater la peau, même les paupières pour qu'il n'y ait plus de ciel à voir. Ni étoiles ni lait de lune, que le sombre de la nuit. J'étais une tempête, ça brûlait et je pleurais. Epuisé de partout je pensais évidemment à elle, aux extases, elle, l'initiatrice de la douleur, elle comme une araignée aux tentacules pourpres qui prenait la place de mes ravissantes ramifications nerveuses, mon système avec neurones et synapses, le point faible des sensibles. Je dus renouer avec des confidents, avec le docteur Chestonov en qui je n'avais qu'une confiance relative, avec le barman du Paradise qui me concoctait des Acapulco au mezcal afin de me redonner espoir. Alcools blancs glacés, sans parler des havanes, les amis du rien, quand la tête est vide et qu'il suffit d'aspirer pour se sentir vivant. Et toujours le suave Lexomil, avec son tube vert-espérance, paravent des estropiés du cœur et de la mémoire. Apaisé, certains matins, je pris le train pour un aller-retour vers la mer et, le soir, grisé de large, je m'en revenais vers l'étroit. Alors, au creux de la nuit, j'appelais Walser le confident attentif, l'ami cher qui avait toujours su trouver une parade à l'héroïne, par la parole et des mots absents au dictionnaire du désespoir. "

à découvrir absolument , surtout si tout comme moi vous aimez Ernest Hemingway et Christian Bobin ,car il y a chez Yves Simon une athmosphère digne d'un Hemingway (c'est pas rien quand même ..et je le pense sincèrement) et la précision , la justesse du verbe et des lieux décrits comme sait si bien le faire (et depuis longtemps) Christian Bobin .

 

Seriez d’accord pour que je parle dans le prochain billet du Magicien OX, de la carrière de chanteur d’Yves Simon ?

 

A bientôt !!


 

 

 

 Un beau portrait photographique d'Yves Simon au milieu des années 70 par le photographe Tony Franck