
Munie d'un bon verre de vin blanc, elle commença à narrer sa rencontre avec Tony Montagnard au milieu du vacarme et de la fumée qui régnait encore en ce lieu de perdition salutaire.
- je crois que je joue en ce moment le plus gros coup de ma carrière de modeste éditrice ! Clama t-elle entre deux gorgées de ce Millésime pas piqué des hannetons.
-ah ! Et pourquoi donc ? Lui demanda illico sans hélico un de ses comparses de beuveries élitistes.
- Cet homme de talent est entrain d'écrire un roman qui devrait faire un malheur en librairie, il parle de l'histoire de la musique et de Pierre le Gabriel en particulier ... je vais me faire des mamelles en or ! Elle éclata de rire et entraîna avec elle toute la joyeuse assemblée. Non loin de leur tablée, un individu tout de noir vêtu (lunettes compris) venait d'assister incognito à cette saynète ... autant dire qu'il n'avait lui aussi pas fait le déplacement pour rien !
L'homme en question était resté silencieux pendant tout le dîner (ce qui était rare pour cet oiseau bavard comme une pie ) . Il retira lentement ses lunettes au moment même ou Petrouska reprit une gorgée de vin blanc . Sous le choc , elle cracha sans élégance ce pourtant si délicieux breuvage .
-Diantre !! mais c'est lui !!! il est juste assis à la table d'à coté ... il a sûrement entendu mon bavardage de gueuse assoiffée !
Ses amis restèrent sans voix tant ils ne saisissaient pas l'importante dramaturgie de la situation qui se jouait pourtant sous leurs yeux étonnés d'ignorance crasse .
En effet , il s'agissait bien de Tony Montagnard qui était venu en solitaire se requinquer après une longue journée de labeur . Il venait d'entendre les propos de Petrouska en qui il avait une totale confiance et , ces derniers ont eu pour effet de l'agacer au plus haut point .
Il se leva et se dirigea d'un pas assuré vers la tablée de Petrouska afin de lui dire ses quatre vérités .
- je ne vous félicite pas ! c'est ainsi que vous me traitez madame ! et bien sachez qu'à partir de cet instant je change illico de crémerie ! . Dit-il en haussant le ton tel une sardine d'eau tiède .
Petrouska fut saisie et devint aussi blanche que le vin qu'elle buvait . Lorsqu'il quitta la taverne , Tony manqua de tomber car il n'avait pas vu la marche qui se trouvait à l'entrée ... perdu qu'il était dans ses pensées .
Soudain une voix se fit entendre :

- monsieur ! excusez moi d'intervenir mais je viens d'entendre ce qui s'est produit . Je me présente Arthemus Gordan des éditions Tracteur Rouge .
je n'irais pas par quatre ruelles : votre ambitieux projet m'intéresse et je vous propose une sortie imminente sous 12 jours et , pas un de plus .
Interloqué Tony signa derechef le contrat que monsieur Gordan lui fit aussitôt signer .
La suite sera délectable puisque l'ouvrage en question fera beaucoup parler de lui dans 12 jours précisément mais ... ceci est une autre histoire .